samedi 17 novembre 2007

La primauté du Droit International

(ce devoir a été élaboré par Audrey MONTANTIN et Naïma ORVILLE)

I. Le principe de primauté du DIP, une reconnaissance unanime mais une pratique nuancée

A. Primauté du droit international : de la réflexion à l’affirmation du principe
L’autorité du droit international varie d’un ordre juridique à l’autre, la doctrine a donc proposer de distinguer schématiquement deux modalités des rapports entre droit international et droit interne. Toutefois ce sont les textes fondateurs qui signeront la fin de ces controverses doctrinales.
1) Les théories doctrinales.
Elles relèvent de deux conceptions: l'une dite "dualiste", l'autre "moniste".
*Théorie dualiste (panneau)
Elle découle des conceptions volontaristes des fondements du caractère obligatoire du Droit International Public. Cette théorie a été exposée par les auteurs positivistes allemands Heinrich Triepel (1899), Helborn, Strupp et italiens Dionisio Anzilotti (1905) et Cavaglieri.
Elle considère que le droit interne et le droit international constituent deux systèmes juridiques égaux, indépendants et séparés. La valeur propre du droit interne est indépendante de sa conformité au Droit International.
Heinrich Triepel, qui est le père de cette théorie évoque les arguments suivants:
• Les sources des deux droits sont différentes:
-droit interne = volonté d'un seul État-Droit International = volonté de plusieurs Etats.
• Les sujets de droit ne sont pas les mêmes:
-droit interne = individus ou individus-Etat -Droit International = Etats entre eux
L’illégalité internationale d’un acte de l’état n’en obligera pas moins ses sujets d’exécuter un acte irrégulier au regard du Droit International (c’est le cas par exemple des lois racistes, de ségrégation, etc.…).
Il y a donc des lois nulles en Droit International et valables en Droit interne, ce qui prouve bien qu'il y a opposition complète entre les deux droits qui se meuvent sur deux plans sans jamais se pénétrer.
Donc il ne peut y avoir, dans aucun des deux systèmes juridiques, de normes obligatoires émanant de l'autre ni de conflits possibles entre les deux ordres juridiques.
L'Etat étant à la fois sujet de Droit International et créateur de droit interne est en principe tenu de l'obligation de conformer son droit interne à ses engagements internationaux.
Mais la sanction du non accomplissement de cette obligation est quasi inexistante. En effet si le droit interne n'est pas conforme au Droit International, la responsabilité internationale de l'Etat sera certes engagée mais l’on n'ira pas, concrètement, au delà.
Pour être applicable sur le plan interne, une règle de Droit International devra être au préalable "transformée" en règle de droit interne (par la promulgation par exemple).
Ce mécanisme est appelé par les tenants de la théorie dualiste la « réception » de la norme en droit interne. Les deux ordres étant totalement séparés la seule possibilité qui existera sera uniquement le renvoi de l'un à l'autre.
Cette option est retenue par l’Italie mais l’exemple type reste celui de l’Angleterre qui avec son régime parlementaire place dans sa hiérarchie des normes, les actes législatifs au sommet.
Et c’est ici que la citation « le parlement peut tout faire sauf changer un homme en femme » prend tout son sens.

*Théorie moniste
Cette théorie repose sur l'idée de départ que le Droit International et le droit interne constituent un seul et même ensemble dans lequel les deux types de règles seront subordonnés l'un à l'autre.
Naturellement deux options seront possibles et, selon les auteurs, nous pourrons observer soit un monisme avec primauté du droit interne, soit un monisme avec primauté du Droit International.
Le monisme avec primauté du droit interne (panneau)

Cette conception de la théorie est présentée en Allemagne par "L’Ecole de Bonn" qui regroupe des auteurs tels que Zorn, Erich Kaufmann, Max Wenzel (1920) Decencière-Férrandière (pour la France), elle a par ailleurs inspiré largement la conception "soviétique" du droit international. Elle pose les principes suivants :
- le Droit International découle du droit interne;
- le droit interne est supérieur au Droit International;
- le Droit International ne serait qu'une sorte de "droit public externe" de l'Etat.

Les tenants de cette théorie considèrent qu’en l'absence d'autorité super étatique l'Etat détermine par conséquent librement ses obligations internationales et reste seul juge de la façon dont il les exécute.

Le monisme avec primauté du Droit International (panneau)
Cette conception de la théorie moniste exposée par "l’Ecole normativiste autrichienne" est soutenue par des auteurs tels que Kunz, Kelsen, Verdross et en France par Duguit, Scelle, Reglade, Politis, Bourquin, Le Fur, et Pillet.
Elle considère que :
- le droit interne dérive du Droit International;
-le Droit International est supérieur au droit interne qu'il conditionne;
-les rapports entre Droit International et droit interne seraient comparables à ceux existant, dans un État fédéral, entre le droit des Etats membres et le droit fédéral.
Cette théorie, est dominante aux Etats-Unis, en Espagne et en France. D’ailleurs cette théorie ne vaut que pour le traité d’application directe, pour les autres traités la transposition est exigée et c’est le juge national qui se prononce sur le caractère directement applicable d’un traité international avec 2 conditions :
-l’intention des parties
-la précision et la clarté des dispositions

*Les critiques des théories
A propos de la théorie dualiste on peut dire que sur le plan de la logique il est difficile de maintenir, scientifiquement que deux règles contraires, régissant les mêmes matières et les mêmes sujets, puissent être l'une et l'autre valables.
Si Droit International et droit interne ont pour destinataires finaux les individus, ainsi que le soutient Georges Scelle, on peut difficilement admettre au nom du dualisme que, contraires, elles soient toutes deux valables.
Dans les faits, des traités ont pu s'appliquer sur le plan interne sans "réception" ou promulgation. C'est à dire, sans qu'il soit nécessaire, ainsi que le soutient la théorie dualiste de les transformer en droit interne.
La théorie du monisme avec primauté du Droit International pour sa part est considérée comme insuffisante et contredite par le Droit International positif.
Si l'argument évoqué par les partisans de la théorie moniste avec primauté du droit interne, peut éventuellement être retenu à l'égard des traités dont on ferait reposer la validité sur la constitution étatique, il reste sans valeur pour toutes les normes internationales qui ne sont pas de nature conventionnelle, notamment pour les règles coutumières.
Si les obligations internationales reposaient sur la constitution étatique, elles devraient disparaître en même temps que la constitution sur la base de laquelle elles auraient été contractées - (particulièrement en cas de changement d'ordre constitutionnel à la suite d'une révolution).
La construction moniste avec primauté du Droit International, quoi que plus satisfaisante pour l'esprit, s'est vue adresser certaines objections :
• On lui a reproché de supprimer toute distinction entre Droit International et droit interne, en les fondant dans un droit universel unifié.
• Elle ne correspondrait pas à la vérité historique - (critique volontariste de Triepel et Anzilotti) - car on constate que c'est d'abord le droit interne qui apparaît.
• Elle méconnaîtrait des données formelles du droit positif.
Le monisme avec primauté du Droit International implique en effet une "Théorie de l'abrogation automatique des normes inférieures contraires" (et par conséquent du droit interne éventuellement contraire) que l'on ne constate pas en droit positif.
Contrairement à cette théorie en effet, continue de s'appliquer en droit positif le "principe de l'acte contraire".
2) L’affirmation du principe par les textes
Si lors de l’émergence du Droit international sa primauté a donc fait l’objet de vives controverses doctrinales opposant les deux théories, celles-ci se sont essoufflées par leur insuffisance ou excessivité mais aussi par la création de textes fondateurs du Droit International Public.
Avec l’apparition d’un Droit International contemporain la thèse de l’émergence d’un Droit impératif c’est-à-dire d’un Droit dont le respect s’imposerait de manière absolue s’est observée progressivement dans la doctrine internationaliste. C’est d’ailleurs ce qu’a prôné M. NGUYEN QUOC DINH et son collègue et disciple M. PELLET.
Le Droit International se déployant dans un ordre juridique, il a fallu admettre que ce dernier repose sur un minimum de règles impératives, faute de quoi l’ordre international ne correspondrait pas à un système de normes juridiques. Cet ordre juridique comble donc l’absence de législateur dans l’ordre international ainsi le Droit impératif serait donc assimilable au « Droit constitutionnel international ». La Convention de Vienne sur le Droit des traités du 23 mai 1969 dénomme ce Droit impératif le « jus cogens » (par opposition au jus dispositium). Son article 53 précise : « une norme impérative…est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale dans son ensemble ». Ainsi, à travers la ratification de la Charte des Nations Unies ou encore celle de la Convention de Vienne (qui sont des textes fondateurs du Droit International Public), les états ont reconnu cette primauté du Droit International sur le Droit interne. Article 27 de la Convention de Vienne : « une partie ne peut invoquer une disposition de son droit interne comme justifiant la non exécution d’un traité ».
Le principe de primauté du Droit International est donc affirmé par le JUS COGENS et par conséquent devrait être imposé de manière absolue, pourtant la pratique est bien plus complexe.

B. Une primauté nuancée dans la pratique

La pratique fait apparaître un paradoxe, celui d’un Droit fait pour mais par les états. La nature conventionnelle même du Droit International public fait de lui un droit volontariste. On se trouve donc dans une structure horizontale dans laquelle chaque entité est égale. C’est leur volonté et elle seule qui peut engager les états et faire naître à leur égard certaines obligations. Dès lors la volonté des états est essentielle au Droit International public, sans elle pas d’engagement, et sans engagement il n’y a pas de droits et d’obligations pouvant naître à l’égard des états. Autant dire que le Droit International n’aurait plus de raison d’être. Une fois l’obstacle de la volonté dépassé reste encore celui de la souveraineté. Oui en effet par le biais du Droit International les états ont voulu uniformiser les règles de droit régissant leurs relations mais ils n’ont pas pour autant renoncé à leur souveraineté. Or cet Impérium étatique est quasiment insurmontable. On touche là à la nuance qu’apporte la pratique au principe de primauté du Droit international. Il apparaît en effet difficile de concevoir que des entités qui se veulent « souveraines par-dessus tout » doivent ou même puissent se soumettre au Droit et voient leur liberté d’action limitée par lui.
On imagine donc facilement que la souveraineté des états peut constituer un obstacle à l’application du principe de primauté, certains auteurs vont même jusqu’à parler de « souveraineté écran ». Cet obstacle se matérialise souvent à travers les constitutions dans la place qu’elles attribuent aux normes internationales dans l’ordre interne. L’analyse des énoncés constitutionnels permet de s’en rendre compte très rapidement. S’il est vrai en effet qu’un très grand nombre de textes constitutionnels contemporains comportent notamment dans leurs préambules et articles introductifs, l’engagement général de se conformer aux « règles du droit public international » (alinéa 14 du préambule de la Constitution française de 1946), aux « règles généralement reconnues du droit international » (article 10 de la Constitution Italienne du 27 Décembre 1947) ou aux « règles du droit international généralement acceptées » (article 28 de la Constitution Grecque du 9 Juin 1975) ces formulations demeurent comme beaucoup d’autres très ambiguës quant à la position respective du Droit International, notamment conventionnel, et des normes internes, constitutionnelles et législatives.
En réalité les options adoptées par les droits internes sont diverses.
Si des pays comme l’Espagne, le Portugal, la Belgique ou encore les Pays-Bas confèrent à la norme internationale une valeur constitutionnelle et assurent donc une primauté effective du Droit international sur leurs normes internes, la France fait primer sa constitution sur la norme internationale. L’article 55 de cette constitution énonce que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois… ». La norme internationale a dans l’ordre juridique national français une valeur supra législative mais infra constitutionnelle. Notons au passage que la France pose une condition à cette valeur supra législative : la condition de réciprocité.
D’autres états placent encore plus bas la norme internationale dans la hiérarchie des normes.
Les Etats-Unis lui confèrent en effet une valeur législative. Le Royaume-Uni quant à lui, même s’il ne possède pas de Constitution écrite n’accorde qu’une place infra législative à la norme internationale.
Il est clair que la primauté du Droit International public dépend de la place qui est attribuée à ses normes dans les droits internes. Mais elle dépend aussi du mode de transposition des normes internationales dans les ordres juridiques internes. Ce qui nous amène directement à nous poser la question de l’applicabilité directe de la norme internationale.
Si le Droit international nécessite la plupart du temps une transposition dans l’ordre interne, ce n’est pas le cas du droit communautaire qui faisant partie de l’ordre juridique international a une ampleur toute particulière.
En effet pénétrant directement dans l’ordre interne des états membres le règlement communautaire (mais aussi toutes les autres normes qui par extension bénéficient de l’applicabilité directe invocable devant le juge national par les particuliers) rentre en bien des cas en conflit avec des normes du droit interne ayant le même objet.
Comment dans ces conditions garantir l’unité d’application du droit communautaire à travers tous les états membres si l’on maintient pour chacun d’entre eux la possibilité de déroger à la règle communautaire en s’abritant derrière les dispositions d’une législation nationale qu’ils pourraient faire varier à leur convenance ? Pour éviter de tels agissements individuels des états qui aboutiraient à ruiner tout effort pour construire l’intégration économique supposée par l’édification du marché commun, la Cour de Justice des Communautés Européennes a posé un peu plus d’un an après l’arrêt VAN GEND LOOS dans son célèbre arrêt de principe COSTA/ENEL qu’il n’y avait qu’une solution : imposer la primauté du droit communautaire sur le droit national.
L’Union Européenne dont la finalité est intégrative fonde donc un ordre juridique propre et original par rapport à l’ordre juridique international.
Cette force intégrative, c’est elle qui légitime la primauté du droit communautaire, il aurait donc fallu que le droit international ait cette même assise. Seulement il semble ne pas disposer d’institutions qui lui permettrait d’assurer une primauté souveraine, primauté souveraine qui apparaît comme l’avenir du Droit International Public.


II. Une primauté souveraine : l’avenir du Droit International Public

A. Une primauté incertaine pour un droit sibyllin


Comme nous l’avons vu précédemment malgré l’affirmation et la reconnaissance du principe de primauté du Droit International Public, on a affaire à une pratique bien plus nuancée. Cette pratique nuancée vient directement de la carence d’organes spécifiques pour l’appliquer et la sanctionner. En effet force est de constater que le Droit International Public est un droit sans législateur, doté d’une autorité variable et aux effets relatifs. Sans législateur, comme nous avons certainement eu l’occasion de le dire parce que les états sont à la fois les sujets et les acteurs du Droit International Public. Il n’y a donc pas de structure législative indépendante, dotée d’un pouvoir propre.
Un droit à autorité variable car en effet il n’existe rien qui puisse parer l’autorité souveraine des états.
Et un droit aux effets relatifs car la quasi-totalité des obligations et des droits de l’ordre juridique international sont conditionnés par la volonté des états (traités, acte unilatéral, mécanisme des réserves, exception d’inexécution).Nuançons toutefois le propos en précisant que même si la volonté des états a une très grande importance en Droit International, il existe des limites à cette volonté, notamment concernant les traités qui doivent se conformer au JUS COGENS sous peine de nullité absolue. Quant au mécanisme de l’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus), il se heurte aux traités humanitaires, en effet ces traités bénéficient d’un régime juridique particulier, l’article 60 de la convention de Vienne précise qu’un état ne saurait faire jouer le principe de la non réciprocité pour ne pas exécuter les « dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités à caractère humanitaire ».
C’est donc une fiction que de croire qu’il puisse exister un droit régissant les rapports inter étatiques.

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